Mission 4 FMG/MEMISA/Sa.M.O.A. 20 novembre-10 décembre 2022

 

Rapport de mission FMG/MEMISA/Sa.M.O.A.

20 novembre-10 décembre 2022

 

 

                                                                                                                                                      Dr Michel DEWEZ

 

 

 

Dimanche 20 novembre : Paris/Conakry.

Lundi 21 novembre : Conakry/Labé

Mardi 22 novembre.

Salutation au Directeur Préfectoral de la Santé de Labé.

Début des activités de formation :

Formateurs :

Dr Michel Dewez (Association Sa.M.O.A.)
Dr Adrien Mellet (Association Sa.M.O.A.)

Rencontre des membres guinéens au CSA de FMG à Labé :

Mr Camara Mamadouba Fodé (Timbo Mamou)
Dr Koivogui Barré (Congori, Toukou Mamou)
Dr Camara Abraham Fofo (Tata Labé)
Dr Bah Mamadou Billo (FMG/Mémisa Labé)
Mr Sidibé Souleymane (Thianguel-Bori/Lélouma)
Mr Mansare Manso (Pita)
Mr Alpha Oumar Bah (Tata Labé)

 

 

 

 

Consultations conjointes et discussions :

Patient 1 : agitation, cause à préciser (sera revu dans trois jours).
Patient 2 : enfant de 5 ans épileptique.
Patient 3 : PMD stabilisée.
Patient 4 : épisode maniaque.

Discussion :

– Insomnie chez un patient agité : Benzodiazépine ou Chlorpromazine ?

– Attitude thérapeutique chez un enfant épileptique qui, après disparition des crises sous traitement antiépileptique, en présente une nouvelle. Etiologie centrale (et non métabolique) des épilepsies  (nécessité d’un diagnostic étiologique mais sans examens paracliniques).
Révision des doses ou changement d’antiépileptique ?

– «Psychose maniaco-dépressive » versus « schizophrénie » versus « psychoses délirantes chroniques ».
Définition de « délire », distinction « coq-à-l’âne » de la logorrhée maniaque et « dissociation » schizophrénique.
Traitement inter-crise de la PMD : Lithium ? Antiépileptiques thymorégulateurs ? Neuroleptiques ?

 

Mercredi 23 novembre.

Définitions

  • Délire : propos du patient ayant à leur source une certitude absolue qui n’appartient qu’à lui,
    qui ne demande pas de preuve, qui n’accepte ni doute ni contradiction et sur base desquels il fonde son existence.
  • Hallucination : réception d’un message sans émetteur extérieur. A distinguer des images oniriques et des visions diurnes (diables, etc).

Consultations conjointes et discussions :

Patient 1 : Délire de filiation dans le cadre d’une psychose délirante chronique.
Patiente 2 : Jeune fille de 13 ans en état maniaque, sous-dosée, attachée des quatre membres à la maison et présentant une griffe cubitale bilatérale suite à la contention.
Patient 3 : Schizophrène déficitaire consommateur de cannabis.
Patient 4 : Choréo-athétose sous-dosée.
Patient 5 : Epilepsie (diagnostic à préciser ) chez un JH de 19 ans.
Patient 6 :  Renouvellement de traitement chez ce patient sous neuroleptique amélioré.
Patiente 7 : Hystérie silencieuse à revoir avec son mari lorsqu’elle aura repris la parole.
Patiente 8 : S’est jetée dans le puits après le décès de sa mère.
Patiente 9 : Premier (?) épisode maniaque à 60 ans après piqure de scorpion et peur d’en mourir.

 

 

Jeudi 24 novembre.

Exposé du Dr Adrien Mellet : les neuroleptiques.

Consultations conjointes et discussions :

Patiente 1 : troisième épisode mixte entrant dans le cadre probable d’une psychose maniacodépressive d’apparition tardive chez cette patiente de 60 ans.
Patient 2 : syndrome schizo-affectif chez un patient sous haldol-décanoas sous-dosé.
Patient 3 ; Epilepsie avec crises subintrantes chez un patient de 17 ans.
Patient 4 : longue palabre avec ce jeune homme consommateur de cannabis et sa famille, entre voyages au Congo, au Bénin et au Sénégal. Comportements difficiles au désespoir de son papa obligé selon lui de l’entraver en l’absence de symptômes psychiatriques.


Mise à disposition
des pages 1 à 7 du « Vade-Mecum Sa.M.O.A. » pour discussions ultérieures (en annexe p 16 à 24)


Visites au domicile
de deux schizophrènes, l’une proche du centre de santé, l’autre enchainé à 25 km de Labé, en rupture de traitement suite, aux dires des professionnels de santé, à l’interruption du programme d’aide aux indigents il y a quelques mois.

 

Vendredi 25 novembre.

Exposé du Dr Adrien Mellet : les antidépresseurs, les thymorégulateurs.

Définitions :

  • Psychose : dysfonctionnement grave de l’instrument de lecture du monde (appelé en occident « appareil psychique » et son support corporel).
    Le patient ignore le plus souvent ce dysfonctionnement.
  • Schizophrénie : désorganisation de l’instrument de lecture.
  • Psychoses Délirantes Chronique : lecture déformée, focalisée par la certitude délirante.
  • Psychose Maniaco-Dépressive/Mélancolie (Trouble bipolaire) : perturbation de l’instrument de lecture du monde par les dysfonctionnements de son moteur (thymique) par excès ou par défaut.
  • Névrose/normalité : rigidité / lourdeur / volubilité / erreurs de lecture / souplesse… du fonctionnement de l’instrument de lecture du monde, opérationnel cependant.
    Le patient est le plus souvent conscient de ces particularités.

PS L’ « instrument de lecture du monde » du patient n’est appréhendable qu’à partir de ses propos, de ses paroles, de ses énoncés propres, à chacun singulier.

 

 

 

 

Consultations conjointes et discussions :

Patiente 1 : sénilité débutante chez cette patiente de 70 ans.
Patient 2 ; jeune schizophrène déficitaire non traité depuis 5 ans.
Patient 3 : schizophrène de retour de Gambie il y a trois jours, quelque peu agité.
Patient 4 : retour du patient 1 du 22 novembre. Le calme est revenu mais il a des choses (inquiétantes) à dire…
Patient 5 ; schizophrène bavard mais murmurant.
Patiente 6 : Epileptique bien traitée mais possédée par un diable amoureux qui se mêle de la conversation.
Patiente 7 : jeune fille de 17 ans effarouchée par le dispositif de présentation dont les confidences seront reçues en colloque singulier.

Rencontre de deux guérisseurs traditionnels, partenaires du CSA de Labé qui réitèrent leur intention de collaboration.

 

Samedi 26 novembre.

Exposé du Dr Adrien Mellet : les benzodiazépines.

Synthèse et discussion au départ de la confrontation théorico-clinique entre les consultations conjointes réalisées cette semaine d’une part et d’autre part le schéma de l’entretien et la nosographie élémentaire Sa.M.O.A.

Concernant la dangerosité des malades mentaux : le rapport de l’HAS (France) de mars 2011 sur la « Dangerosité Psychiatrique » précise que, concernant les homicides, on trouve le chiffre de 5 homicides pour 100.000 habitants dans la population générale contre 0,16 pour 100.000 patients psychotiques. « Les personnes souffrant de troubles schizophréniques ou d’une psychose non schizophrénique sont responsables de moins de 10 % des actes violents hétéro-agressifs (entre 3,2 % et 9,9 % selon les études) »

Visite de la maison de Karamoko Alpha et du marché de Labé.

 

Dimanche 27 novembre : Labé/Conakry.

 

Lundi 28 novembre : Conakry/Fria

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mardi 29 novembre.

Membres de l’équipe guinéenne :

  1. Mr Diallo Oumar (Kolabougni Boké)
  2. Mr Camara Arafan (DPS Boké)
  3. Mr Sorogui Maxime Dantouma (Kolabougni Boké)
  4. Mr Bangoura Abraham Fabra (DPS Boké)
  5. Mme Condé Siré (DPS Fria)
  6. Mme Toupou Elisabethe (Tabossi Fria)
  7. Dr Barry Mariama Telly (Tanènè/Dubréka)
  8. Dr Bangoura Mohamed Lamine (Tanènè/Dubréka)
  9. Dr Sangare Siaka (FMG Conakry)

 

Discours d’ouverture de Monsieur le Directeur de la DPS de Fria

Consultations conjointes et discussions.

Patient 1 : épilepsie
Patient 2 : épilepsie
Patient 3 : Artiste musicien, 30 ans. Hypomane. Depuis la mort du père : existe un complot pour le tuer et le spolier de son héritage. Largactil + haldol, revoir dans trois jours.

Débat :

  • Les psychoses.
  • Dangerosité des malades mentaux
  • Schéma de l’entretien
  • Les diables amoureux. Procédure : « Donner du temps au temps »…

Exposé par le Dr Adrien Mellet : Les neuroleptiques.

 

Mercredi 30 novembre.

Rapport de la première journée. Amendements et corrections

Consultations conjointes et discussions :

Patiente 1 : épilepsie et retard mental.
Patient 2 : Schizophrénie dissocié un peu mélancolique, halluciné. Délire mal systématisé.

Définition. Hallucination : réception par le patient d’un message sans émetteur extérieur.

Patient 3 : Schizophrène un peu déficitaire.

 

 

 

Débat :
Relations avec les guérisseurs : non compétition mais collaboration et respect réciproque. Personnalisation des relations.
Prix de l’haldol : 400 FG/comprimé de 5 mgr. Un mois : 12.000 FG (moins d’1,5 Euro)

Patient 4 : Schizophrène sans traitement, enchainé depuis 10 ans, de sortie ce jour pour la consultation.  Très attaché à … sa maman.
Patiente 5 : Epileptique. Crises subintrantes. Paralysie radial droit en col de cygne (cause ?) En rupture de traitement depuis le décès du papa.

Débat : Consultations des malades mentaux au sein des centres de santé : en CPC à noter dans le même registre que les autres malades.

Patient 6 :  19 ans. Délirant, non dissocié. Fils d’un médecin décédé il y a quelques années. Voit son papa partout.

Débat : Chercher la faille (le symptôme) ne doit pas faire oublier de chercher à comprendre (distinction point 2 et point 3 du schéma de l’entretien).

Patient 7 : Il « fait des crises » … d’épilepsie, à l’hétéroanamnèse, indispensable dans un tel cas.
Patient 8 :Epileptique de 23 ans suivi à l’hôpital sino-guinéen de Conakry et au CSA d’Hafia minière (FMG), sans traitement médicamenteux depuis 2 ans.
Patient 9 : Schizophrène déficitaire sans traitement médicamenteux
Patient 10 : Epilepsie résistantes sous carbamazépine. Proposition de substitution par la Dépakine.
Patient 11 : Délire mystique bien systématisé, apparu en Gambie, entretenu par une importante consommation de cannabis.

 

Jeudi 1 décembre.

Rapport de la journée précédente.

Exposé :

– Schéma de l’entretien et délire, au départ de l’écoute du patient 11 de la veille. Explicitation de la distinction entre Pt 2 (la maladie et ses symptômes) et Pt 3 (les énonciations du patient, sa parole et ses confidences).

– Anamnèse : questions fermées versus questions ouvertes.

Consultations conjointes et discussions.

Patient 1 et 2 : deux frères non jumeaux retardés mentaux sans épilepsie ni troubles du comportement.
Patient 3 : schizophrène de 30 ans, sans traitement.
Remarque ; a consulté au département de psychiatrie de Donka. Surmédiqué, le traitement a été interrompu (trop cher, trop d’effets secondaires).

 

 

 

Patient 4 : Epilepsie à début tardif.
Patient 5 : Dépression (très) sévère sans éléments mélancoliques. « Hospitalisé » de longs mois chez un guérisseur de Coyah qui le fouette, l’enchaine et l’exploite en le faisant travailler pour lui.
Patient 6 : Epilepsie sous Tégrétol sous-dosé.
Patient 7 : problème de médecine générale.
Patiente 8 : enfant de 5 ans, retard de développement.
Patiente 9 : 19 ans, en terminale qu’elle redouble (ah, les mathématiques…). Tombe à la vision d’un « homme », les lundi, jeudi ou vendredi, la première fois il y a quelques mois à la mosquée. Les « chutes » mettent sa réussite scolaire en danger et donc son avenir à l’université. Refuse d’en dire plus, en particulier des confidences que lui fait cet « homme ».  Sera revue en « colloque singulier » par une professionnelle du CSA Tabossi de Fria.

Mise à disposition des pages 1 à 7 du Vade-mecum Sa.M.O.A.

 

Vendredi 2 décembre.

Rapport de la journée précédente.

Consultations conjointes et discussions.

Patient 1 : 35 ans, amené par sa maman. Ancien « consommateur de drogue » (dit-elle) trompé par sa mère pour être placé chez un guérisseur à Coyah qui l’enchaine et le maltraite de longs mois durant. Très en colère. A revoir seul et à son initiative au CS de Tabossi. Pas de pathologie psychiatrique manifeste ce jour.
(PS : Que faire face à ces deux témoignages de maltraitance grave des patients par ce (même ?) guérisseur de Coyah ?)
patient 2 : Epilepsie 37 ans.
Patient 3 : Epilepsie.
Patient 4 : Patient 3 du 29 novembre. N’a pris que haldol 5 mg/jour depuis. Apaisé. Vit chez son oncle et sa tante. Normalisation de l’humeur, humour et perspectives (musicales).
Patient 5 : 35 ans. Vient de l’hôpital d’Etat de Fria où il est hospitalisé, s’y étant rendu spontanément le 21 novembre pour état fébrile et céphalée. Adressé ce jour par le médecin de l’hôpital pour avis aux « médecins FMG » pour cause d’agitation (?) à l’hôpital. Patient comateux, fébrile, incontinent pour les urines. Tableau d’infection centrale aigue (? ) ou de sur-médication pour le transport et syndrome infectieux d’origine inconnue. Pas de bilan sanguin. Antécédents suicidaires aux dire de sa maman, mais la question est secondaire face au tableau clinique actuel. Renvoi à la structure hospitalière pour bilan sanguin (et P.L. ?) et diagnostic.
Patiente 6 : Epilepsie.
Patient 7 : 30 ans. Epilepsie dont le diagnostic est contesté par le patient sur fond anxiodépressif et échecs professionnel et familial qu’il explique par l’existence d’une maladie qu’il ne se reconnait pas. Faire EEG pour objectiver le diagnostic et argumenter une prise en charge médicamenteuse et psychosociale.
Patient 8. Epilepsie chez un jeune homme de 11 ans.

 

 

 

 

 

Samedi 3 décembre.

Rapport de la journée précédente, commentaires et amendements.

Consultations conjointes et discussions.

Patient 1 : 30 ans. Schizophrène sous haldol décanoas (3 x 50 mgr/4 semaines), « stabilisé » autant que faire se peut.
(une ampoule HD = 115.000 FG. trois ampoules = 345.000/mois versus 12.000 FG en comprimés quotidiens de 5 mgr, soit dix fois plus en injection IM retard que prise per os quotidienne.)
Patient 2 : Jeune homme peut-être psychotique (sur base d’un épisode il y a 10 ans) mais asymptomatique aujourd’hui sans traitement médicamenteux, et refusant de se livrer au-delà des réponses circonstancies à nos questions.
Nous restons à la disposition de la famille et du patient afin de faire connaissance.

Discussion : quelle attitude face à un patient asymptomatique qui ne demande rien ?

Patient 3 : Dyskinésie aigue chez un patient reçu il y a deux jours (patient 3 du 1 décembre). Diminuer de moitié de la dose de neuroleptique.
Patiente 4 : problème de médecine générale.

Exposé et discussion (Dr Adrien Mellet) : les antidépresseurs.

Exposé et discussion (Dr Sangaré Siaka) : Epilepsie/crises convulsives.

Patient 5 : échec du départ pour la Belgique où se trouvent ses parents de ce cuisiner bourlingueur.

Discussion : argumentation de l’abstention thérapeutique. « Souffrance psychosociale » versus « maladie dépressive ».

 

Dimanche 4 décembre.

Rapport de la journée précédente, commentaires et amendements.

Exposés et discussion (Dr Michel Dewez) :

– Nosographie élémentaire.

– Les suicides et tentatives de suicide.

– Les conduites addictives.

Consultations conjointes et discussion.

Patient 1 : 38 ans. Enchainé à un vieil homme qui se dit son père. Schizophrène (très) dissocié, sans traitement depuis 4 ans. Traité antérieurement et nettement amélioré alors puisqu’il avait repris une activité professionnelle (mais pourquoi ce papa a-t-il laissé la situation se dégrader à ce point alors qu’il savait que faire ???)

Discussion : de la nécessité d’un dispositif de prise en charge en continu et contextualisé (soignants sensibilisés stables, disponibilité des médicaments en permanence, proximité et continuité de la prise en charge personnalisée dans l’espace et le temps, travail de liaison entre le CSA et le domicile du patient, implication de la famille, etc).

Exposé et discussion (Dr Sangaré Siaka) : Epilepsie/crises convulsives.

 

Lundi 5 décembre.

Rapport de la journée précédente, commentaires et amendements.

Consultations conjointes et discussion.

Patiente 1 : problème de médecine générale.

Exposé et discussion (Dr Sangaré Siaka) : Epilepsie/crises convulsives.

Patient 2 : retour du patient 11 du 30 novembre, qui veut parler de son premier amour déçu.

Discussion :
– qu’attendre/qu’entendre/qu’espérer des entretiens réguliers (hebdomadaires) avec un patient délirant qui demande à être reçu par un soignant d’un CSA ?
– Psychose du post partum, déclenchement d’une psychose et traumatisme du « symbolique ».
– Syndrome de Stress Post Traumatique.

Patiente 3 : patiente 2 du 2 décembre. Prurit généralisé depuis la prise de carbamazépine. Changement d’antiépileptique ? Arrêt momentané de la carbamazépine. Revoir.
Patient 4 : Epilepsie morphéique, 43 ans, amélioré par la prise de carbamazépine (Mr Sy, CSA FMG Conakry).
Patient 5 : Epilepsie, 47 ans. Se sait amélioré par des antiépileptiques achetés au marché noir, mais chers.

Discussion : comment inscrire les patients dans le cadre administratif imposé ?

 

Mardi 6 décembre.

Rapport de la journée précédente, commentaires et amendements.

Directives concernant la rédaction du dossier patient Santé Mentale.

Consultations conjointes et discussion.

Patient 1 : Patient 6 du 1 décembre avec ses documents médicaux récupérés par la famille.  Prescription d’un antiépileptique, recommandations d’utilisation et contextualisation : abandonné par la lignée paternelle, mère décédée, sans profession, soutenu par sa seule grand-mère maternelle. Convoquer le papa avec le patient au CSA de Tabossi.
Patiente 2 : 55 ans, schizophrène jamais traitée.
Patient 3 (fils de la précédente) : 35 ans, dépression depuis l’adolescence (jamais traitée).
Patiente 4 : 14 ans. Tombe à la vue de diables séducteurs et non moins séduisants, ce qu’elle conteste.

Visite au domicile des patients 5 et 6 : deux frères (même père même mère) schizophrènes, enchainés, l’un depuis 6 ans, l’autre depuis 10 ans, sans avoir jamais reçu de « lekki porto » (médicament des blancs = traitement médicamenteux).

Patient 7 : 48 ans. Epilepsie sous Dépakine (Dr Lao) sous-dosé.
Patient 8 : 28 ans. Dépression au décours d’un épisode psychotique bref en demande de ne pas rester seul avec tout ça.

Conclusions et fermeture de la session de formation par Monsieur le Directeur Préfectoral de la Santé se Fria.

 

 

 

Mercredi 7 décembre : Fria/Conakry.

Jeudi 8 décembre.

Rencontre de monsieur Richard Watchinou, directeur national d’ « SOS village d’enfants ». Visite du village d’enfants de Conakry, discussions avec les mamans d’accueil et les enfants.

Vendredi 9 décembre.

Restitution avec les équipes de FMG et Mémisa Conakry.

Rencontre du coordinateur du Programme National de Santé Mentale (Prof. Ag. Mamady Mory Keita) et signature d’une convention de collaboration entre le PNSM et l’association Sa.M.O.A.

Samedi 10 décembre : Départ de Conakry.

Dimanche 11 décembre : Arrivée à Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 


Discussion

 

Outre l’initiation de nouveaux soignants guinéens à la maladie mentale et à l’épilepsie, et aux soins qu’elles requièrent, je souhaitais mettre à l’épreuve les deux outils méthodologiques principaux du Vade-mecum Sa.M.O.A. que sont le schéma de l’entretien et la nosographie élémentaire et en produire un nouveau. Voici les résultats.

  1. Données quantitatives:

Nombre de consultations :

Labé : 24
Fria : 50
Total : 74

Nombre total de patients : 68 (six patients ont été vus deux fois):

Pathologies

Absence de maladies mentales : 7 dont

– Souffrance psychosociale/conflit familial : 3

– Problème de Médecine Générale : 4 (adressés à l’hôpital).

Maladie mentale : 37

– Psychose : 27 dont
Psychose aigue/manie : 6
Psychose chronique : 21 dont
Psychose Délirante Chronique : 3
Schizophrénie : 16
Psychose Maniaco-Dépressive /Trouble bipolaire : 2

– Névrose : 6  (dont deux adolescentes qui tombent devant un ou deux diables amoureux).

– Dépression : 4

Maladie neurologique : 24 dont :

Epilepsie : 19
Retard de développement : 3
Démence : 1
Autre pathologie neurologique (syndrome choréo-athétosique) : 1

 

  1. Concernant le schéma de l’entretien (p 20) :

 

Pertinence de la séparation Famille + Patient / Patient seul.

Pertinence de la distinction entre point 2 et point 3 :
Point 2 : la maladie du point de vue du médecin.
Point 3 : le malade et son point de vue sur sa maladie (et ses conséquences dans sa vie en fonction de son histoire).

Pertinence du parcours :   Famille + Patient (pt1)/ Patient seul(pt2 et 3)/ Famille +Patient(pt4).

Mais sa mise en application exige de la discipline et de la rigueur de la part du soignant qui demande non de l’appliquer formellement mais d’en comprendre le sens.

Il se fourvoie souvent en s’accrochant à un questionnaire anamnestique (questions « fermées ») tel que nécessaire et pertinent dans une démarche médicale stricte mais qui s’épuisent vite en ce qui nous concerne, d’autant plus que le soignant en formation ignore encore l’ensemble des éléments qui définissent un syndrome psychiatrique particulier. Il ne sait donc pas trop que demander.

Suivre la parole du patient (point 3) demande des questions « ouvertes » et, à partir de celles-ci, demande d’emprunter les portes qu’il nous ouvre lorsqu’elles se présentent.
Là, le fil n’est plus dans la tête du soignant (l’anamnèse) mais dans la tête du patient (ses paroles). C’est au soignant de les faire exister, et d’en suivre le fil pour apprendre où il nous mène.

Mais, l’entretien se faisant dans un espace collectif en présence de soignants en formation, une autre difficulté surgit :
elle réside dans la multiplication spontanée des interlocuteurs qui s’invitent dans la conversation. S’en suit un joyeux brouhaha parfois assourdissant, apparente cacophonie mais d’où, étonnement, ne résonne qu’une seule voix produite et portée par plusieurs locuteurs qui parlent simultanément d’un sujet commun. Mais toute démarche dialectique devient impossible face à la dilution des individualités dans une voix collective, quand bien même parlent-t-elles de concert. Les paroles individuelles s’a-sujetisent dans le discours qu’elles produisent.

Le schéma 1234 de l’entretien doit donc être réexplicité et remis en œuvre avec rigueur le plus souvent possible.

La pertinence des développements dans le temps du schéma de l’entretien (second entretien et suite) aura à se vérifier dans les mois et les années qui viennent.

 

 

 

 

 

 

 

  1. Concernant la nosographie élémentaire (p 22) :

 

Pertinence des catégories nosographiques en rapport avec les différents traitements médicamenteux (ce qui justifie son intérêt par rapport à d’autres nosographies, tout aussi pertinentes selon d’autres critères).

Nous n’avons pas reçu de patients pour utilisation abusive de substances psychoactives. Mais plus d’un parent ont justifié l’enchaînement de leur (grand) enfant en arguant la nécessité de le mettre à l’abris de celles-ci, argument contesté par tous les patients privés de liberté.

Nous n’avons pas reçu d’enfants pour des problématiques pédopsychiatriques. Les enfants reçus présentaient des pathologies neurologiques (épilepsies et retards de développement).

Les traitements médicamenteux :

Le premier médicament, c’est le médecin.

Ensuite :
Nous limitons les médicaments à 6 molécules sous formes génériques :

– Neuroleptique antipsychotique : halopéridol (Haldol®) comprimés, ampoules et forme décanoas (retard).
– Neuroleptique sédatif : chlorpromazine (Largactil®) comprimés, ampoules.
– Correcteur des éventuels ES neurologiques des neuroleptiques :bipéridène (Akineton®) comprimés.
– Antidépresseur : amitriptyline  (Laroxyl®) comprimés.
– Antiépileptique/thymorégulateur : Carbamazépine (Tégrétol®) comprimés.
– Tranquillisant/anxiolytique/sédatif/antiépileptique lors de crises subintrantes : diazépam (Valium®) comprimés, ampoules pour IM et canule rectale.

 

Concernant la nosographie :

Définissons la « maladie mentale » comme une épreuve que subit le patient, qui le met en souffrance, mais dont il ignore l’origine (au sens de sa causalité historique et non physiopathologique du terme) et parfois même l’existence.

– Pertinence de la distinction entre souffrance psycho-sociale et maladie mentale (la dépression « maladie »).
La première ne demande pas de traitement médicamenteux mais un soutien et une aide psychologique et sociale, la seconde demande un traitement par amitriptyline (et une aide psychologique et sociale).

– Cohérence du groupe des psychoses (aigues et chroniques), et de la présence de la mélancolie dans ce groupe.
A ce groupe répond la nécessité de la prescription de neuroleptiques, et à ce groupe uniquement.
Psychose aigue/manie : halopéridol + chlorpromazine (+ carbamazépine).
Psychose Délirante Chronique et Schizophrénie : halopéridol.
Mélancolie : halopéridol + amitriptyline (+ carbamazépine).

– Le groupe des névroses ne demande pas de traitement médicamenteux, hormis exceptionnellement et très brièvement un tranquillisant (par exemple : diazépam) à fin purement symptomatique (et non étiologique). Le traitement est par la parole, individuelle et collective.

– La dépression « maladie » demande la prescription d’amitriptyline sans neuroleptiques ni tranquillisants.

 

Remarques concernant le mot/diagnostic de « dépression » :

Le mot « dépression » au sens vernaculaire se décline cliniquement en :
– Souffrance psycho-sociale dont l’expérience élémentaire est le deuil : pas de traitement médicamenteux.
– Dépression « maladie » : amitriptyline.
– Mélancolie (phase dépressive de la Psychose Maniaco-Dépressive/Trouble bipolaire) : halopéridol + amitriptyline (+ carbamazépine).

Dépression « maladie » = expérience identique à celle du deuil sans cause extérieure identifiée par le parient + perte d’estime de soi + culpabilité + idées suicidaires mais sans idées délirantes.

Mélancolie : délire de ruine, de petitesse, de culpabilité, de négation d’organes, d’éternité.

Il n’y a pas de continuum entre ces trois expériences. Elles ne sont pas les degrés de plus en plus sévères d’une même épreuve. Un déprimé sévère ne devient pas mélancolique (délirant) et un endeuillé ne devient pas déprimé (ne présente pas de perte de l’estime de soi, de culpabilité ou d’idées suicidaires).
Les rassembler sous le terme de « dépression » plus ou moins sévère sous prétexte de trouble de l’humeur est donc une erreur. Leur traitement est différent, autant que leur logique, leur histoire et leur devenir.

Les autres catégories nosographiques de l’adulte (perversion, psychopathie) y sont pour mémoire et pour être exhaustif mais, pour le soignant guinéen, ne se rencontrent le plus souvent qu’en prison Elles ne demandent pas de traitement médicamenteux.

 

 

 

 

 

 

Conclusions

Introduire de nouveaux membres à l’écoute des malades mentaux et à la lecture des maladies mentales n’est pas simple. Peut-être à la mesure de la phrase qui précède : comment peut-on lire ce qui s’écoute ? Comment ordonner ce qui n’existe que dans les mots. La clinique médicale et neurologique est lecture de signes. Une crise tonico-clonique bilatérale synchrone accompagnée de perte d’urine et de morsure de langue est signe d’épilepsie. Mais la douleur de vivre, chappe de plomb sous un ciel qui plus jamais ne sourit ? la désaffiliation progressive d’avec ceux qui faisaient notre appartenance à la communauté des vivants ? La jubilation furieuse d’avoir à régner sur l’empire déchu d’un des maitres du monde ? la lente et silencieuse descente aux enfers, enchainé solitaire, au ban de notre humanité ?  Ce ravissement léger à l’apparition inavouable d’une figure de la tentation surgie de l’au-delà ?  Que diable… !

Toutes ces figures emblématiques de la condition humaine, et bien d’autres, nous les avons croisées trois semaines durant. Comment les approcher ? Comment les écouter ? Comment les accompagner ? Comment les apaiser ?

Ces figures effrayent d’abord. Elles inquiètent ensuite. Elles intriguent enfin. Elles ne sont pas de notre quotidien, et les avis des familles qui lisent ces énigmes à l’aulne du vocabulaire de la vie en commun ignorent leurs enjeux qui leurs restent absolument étrangers. Mais, à la première rencontre, nous n’en avons d’autre de vocabulaire ! Et celui de la médecine est combien pauvre et déshabité face à ces vérités qui sourdent de partout. Comment les recevoir ? Comment les accompagner sans en être par trop affecté ?

Le travail sera long. Nous en sommes encore pour beaucoup à l’initiation, qui ne se veut pas réductrice, et à l’homogénéisation des outils au sein des quatorze centres de santé aujourd’hui impliqués. Nous pouvons compter sur quelques membres de ces équipes à l’expérience et aux savoirs très inégaux mais qui disposent d’un savoir-faire en matière de rencontre des malades mentaux. Et qui ne reculent pas. Leur attitude fait école. De patience, de bienveillance, de compréhension, de disponibilité, d’intelligence des enjeux, tant humains qu’institutionnels. N’est-ce pas le plus important pour rendre possible la suite.

L’homogénéisation des pratiques passe par la mise à disposition d’outils. Aujourd’hui, il en existe trois : (1) le schéma de l’entretien, (2) la nosographie élémentaire, et (3) la standardisation des prescriptions médicamenteuses en fonction de l’inscription des pathologies dans le cadre de celle-ci.
Ces trois outils de base seront diffusés dans les quatorze centres. Mis à l’épreuve, ils seront régulièrement réinterrogés.

Un dispositif d’échange par écrit entre la Guinée et l’Europe sera encouragé. Ecrire une situation clinique, dans le détail et le plus exhaustivement possible est éminemment formateur. S’y astreindre sera soutenu, autant que découragés les outils de communications minimalistes, type SMS ou WhatsApp.

Nous avons pu compter lors de cette mission sur la présence attentive d’un jeune médecin français, le docteur Adrien Mellet, qui se découvre intéressé par notre travail. Plusieurs autres souhaitent s’y joindre. Voyons-y le début de la création d’un ensemble de jeunes praticiens européens qui pourront nous appuyer régulièrement sur le terrain guinéen.

Une convention de collaboration avec le Programme National de Santé Mental en la personne de son coordinateur, le Professeur Mamady Mory Keita a été signée le 9 décembre 2022 entre celui-ci et l’association Sa.M.O.A.
Elle confirme l’intégration du travail dans la politique nationale telle que définie par le PNSM (en annexe p 25-28).

Poursuivons, ensemble.                                                                                                                                                                                                                                                                                                         Ratoma, Conakry, le 10 décembre 2022

 

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